Bref historique
Jigoro Kano souhaite créer un nouvel art martial basé sur la coopération. C’est ainsi qu’il crée le judo et propose aux judokas deux ceintures de couleurs : une blanche pour les novices et une noire pour le niveau d’expertise. Les ceintures noires peuvent ainsi montrer, entrainer et élever les ceintures blanches à leur niveau. C’est par la suite, en Europe, que l’on inséra d’autres couleurs de ceintures car nous, les Européens, avons besoin de nous fixer des objectifs à plus court terme. Bien qu’éducateur scolaire, Jigoro Kano n’intègrera pas son idée dans le contexte scolaire.
Pour cela, il faut attendre Fernand Oury, instituteur à Paris, adepte des techniques Freinet. Fernand Oury rencontrait des difficultés dans son contexte puisqu’il devait gérer une trentaine d’élèves dans sa classe. Etant lui-même judoka, il s’inspira d’une part de la représentation des ceintures et d’autres part, de la coopération sur le tatami. Il créa ainsi un parcours dans 4 domaines… les 4 premières ceintures !
Que sont les ceintures de compétences ?
Une ceinture est une représentation imagée d’un niveau de maîtrise à atteindre. Il existe des ceintures de compétences (encore appelées ceintures de couleurs ou de matières) et des ceintures de comportement. L’idée principale est que l’élève acquiert ceinture après ceinture, de la ceinture blanche en passant par la jaune, la orange, la verte, la bleue, la marron pour enfin arriver à la ceinture noire. L’élève se voit ainsi progresser tout au long de son parcours. Et il n’est évidemment pas possible de perdre une ceinture et de revenir en arrière. C’est tout l’intérêt d’un tel dispositif : l’élève grandit ! C’est super positif comme regard porté sur le parcours de l’élève.
CEINTURE ORANGE | Je reconnais des verbes à l’ind. présent |
Je conjugue des verbes à l’ind. présent | |
CEINTURE VERTE | Je conjugue des verbes à l’ind. imparfait |
Dans cet exemple, la ceinture orange propose deux items : la reconnaissance et la conjugaison des verbes à l’indicatif présent. Pour obtenir la ceinture orange, l’élève doit donc valider ces deux items.
L’élève utilise des gommettes de couleurs pour représenter les ceintures. Dans de nombreuses classes coopératives, une grille que l’on appelle « je grandis » est affichée au mur de la classe. On y voit la progression de chacun. Pour certains enseignants, c’est indispensable pour permettre les aides entre pairs. C’était bien l’idée de Fernand Oury : un élève ceinture orange peut aider un élève ceinture jaune. Pour d’autres enseignants, cette grille affiche les faiblesses des élèves plus fragilisés et cela peut engendrer de la compétition. Personnellement, j’affiche la progression et tout est une question de climat de classe. Quand j’entends mes élèves, il y a davantage d’émulation que de compétition !
DIFFÉRENCIER AU QUOTIDIEN
Il existe de nombreux avantages pour l’enseignant, dont un non négligeable : considérer l’hétérogénéité de ses élèves comme une richesse ! Le dispositif des ceintures va ainsi, à nous enseignants, permettre de différencier au quotidien. En effet, si l’élève n’obtient pas sa ceinture, il va alors devoir continuer à s’entrainer jusqu’à sa validation.
CEINTURE ORANGE | Je reconnais des verbes à l’ind. présent | validé |
Je conjugue des verbes à l’ind. présent | ||
CEINTURE VERTE | Je conjugue des verbes à l’ind. imparfait |
Dans cet exemple, l’élève a réussi a reconnaitre les verbes conjugués à l’indicatif présent mais a rencontré trop de difficultés pour conjuguer des verbes. Il va donc devoir s’entrainer en conjugaison. Une fois qu’il se sentira à l’aise dans cette notion, l’enseignant l’évaluera afin de lui proposer la ceinture orange ou non.
C’est ainsi que le parcours de chaque enfant sera personnalisé. Certains évolueront sans trop de difficultés, tandis que d’autres s’exerceront davantage. Il convient alors de proposer aux élèves des heures individualisées afin de leur permettre de s’exercer davantage, avec l’aide des autres élèves, sur les notions non validées. Dès lors, il convient de mettre en place un outil qui permet de réguler ce travail individualisé : un plan de travail. Vous l’aurez compris ! La coopération entre les élèves sera alors quotidienne au sein de votre classe.
Lire l’article sur le plan de travail. – Lire l’article sur la classe coopérative
EVALUER AUTREMENT !
Le dispositif des ceintures permet d’évaluer autrement. C’est le 2e avantage pour l’enseignant.
En effet, afin de valider une ceinture, l’enseignant propose une évaluation aux élèves. Cette évaluation peut prendre plusieurs formes : une fiche, une observation, un atelier, un dialogue avec l’enfant… Etant enseignant au cycle 4 en primaire, je donne à mes élèves une fiche avec des exercices. Elle s’apparente à une évaluation dite « normale ». Mais je connais des enseignants qui travaillent davantage par ateliers. Quand un enfant se sent prêt, il appelle l’enseignant qui vient l’observer afin de valider la ceinture ou non. On peut également combiner les différentes formes…
Bref, l’idée est d’évaluer les élèves. Cette manière d’évaluer va modifier nos représentations de l’évaluation :
- L’enseignant regarde uniquement ce qui est réussi : l’évaluation est positive. Quand ce n’est pas réussi, bien évidemment la première chose à faire est de rendre l’évaluation à l’élève afin qu’il puisse la corriger et comprendre ses erreurs. Mais le résultat n’est pas retenu (que l’on travaille avec des points ou non).
- L’enseignant propose plusieurs essais : l’évaluation est éducative ! Effectivement, l’élève peut continuer à s’entrainer jusqu’à la validation de la ceinture. Il peut donc repasser une nouvelle évaluation. C’est cette évaluation qui restera.
Afin de mettre en oeuvre cette évaluation positive et éducative, il convient de suivre une boucle évaluative. Celle-ci entre tout à fait dans une logique d’évaluation formative et de feedback.
Toute cette idée d’évaluation se rapproche des étoiles de ski. Mon fils, lors de notre premier séjour à la montagne, a suivi des cours ESF. A la fin de la semaine, il a obtenu le « badge » Piou Piou, correspondant au 1er niveau. En effet, il a « découvert le Club Piou Piou ». Mais il n’était pas encore à l’aise pour se déplacer et glisser… ce qui correspond au badge « Blanchot ». Lors de notre 2e séjour, l’année suivante, il s’est super fort amusé. Et il a obtenu le même badge Piou Piou. Je suis persuadé que l’année prochaine, il progressera et obtiendra un badge supérieur. D’une part il aura grandi. D’autre part, il s’est exercé. Dans quelques années, allons-nous retenir qu’il aura eu 2 fois le Piou Piou ? Non… On regardera son niveau actuel de ski.
Je termine ce paragraphe par une note qui me semble importante : les ceintures sont donc un dispositif qui permet d’évaluer au quotidien les élèves. Ainsi, plus vous proposez de niveaux, plus il y aura d’évaluations. N’oublions pas qu’on n’apprend pas en étant évaluer… Ensuite, les ceintures sont alors à intégrer à vos cours. Ce n’est pas un dispositif facultatif ou gratuit quand les élèves ont terminé une activité.
Lire l’article sur les ceintures pour évaluer autrement.
Nous avons créé avec des collègues des ceintures de P1 à P6 conformes au Tronc commun. Je vous invite à les découvrir sur le site ppda.be
+ d’infos
Pour des informations plus complètes sur les ceintures, je vous encourage à lire mon ouvrage chez ESF Sciences humaines.
Ce livre aborde les ceintures de couleurs selon deux angles de vue : d’une part, la différenciation en prenant appui sur la personnalisation des apprentissages (Connac, 2012) et d’autre part, l’évaluation qui sera, grâce aux ceintures, véritablement formative. Il s’adresse à tous les enseignants, du fondamental au secondaire, qui débutent ou non avec les ceintures et les pratiques coopératives. J’y aborde l’élaboration d’un plan de travail, les pratiques coopératives, la construction de ceintures, l’aménagement de la classe, …
Ce livre me tient à coeur. Il est un peu la suite logique de la rédaction de mon mémoire (réalisé à l’UCLouvain) qui portait sur les dynamiques motivationnelles des élèves face à la mise en oeuvre de la personnalisation des apprentissages (disponible ici). J’avais envie de faire quelque chose avec ces nombreuses pages. Et je remercie Esf Sciences humaines de m’avoir fait confiance pour ce beau projet !
Vous pouvez l’acheter dans toutes les grandes librairies et sur le site d’Esf Sciences humaines. N’hésitez pas à me faire un retour 😉
Pour se familiariser avec les ceintures en 3 petites minutes, je vous propose de regarder cette capsule vidéo. N’hésitez pas à me laisser dans vos commentaires vos éventuelles questions. Je me ferai une joie d’y répondre !
Je viens de terminer la lecture de votre ouvrage, qui a permis de répondre à bien des questions que je me posais.
Une belle découverte, de nouvelles réflexions, mais surtout une envie de progresser dans mes pratiques.
Merci!
Merci à vous !