Différencier

Différencier

Depuis plusieurs décennies, la différenciation pédagogique est au centre des débats. Je me revois sur les bancs de mon école normale à essayer de comprendre les concepts de la différenciation… C’était en 1992 ! Malgré la lecture de plusieurs auteurs et l’explication de mes professeurs, il m’aura fallu pratiquement une vingtaine d’années pour percevoir le concept. Ce n’est finalement que lorsque je me suis retrouvé face aux difficultés liées à l’hétérogénéité de ma classe que j’ai commencé à mettre en place la différenciation. Les postulats de Burns (1)  faisaient écho en moi!

Il n’y a pas 2 apprenants qui progressent à la même vitesse.

Il n’y a pas 2 apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps.

Il n’y a pas 2 apprenants qui utilisent les mêmes techniques d’étude.

Il n’y a pas 2 apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.

Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements.

Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même profil d’intérêt.

Il n’y a pas 2 apprenants qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.

La différenciation, c’est quoi?

Pour Perrenoud (1995), la pédagogie différenciée s’appuie sur le constat anthropologique qu’il existe une hétérogénéité entre les humains et qu’elle est une réalité dans la vie de la classe qu’on ne peut nier (2).

La Communauté française de Belgique décrit dans le décret «Missions» (art.5, §12)  la pédagogie différenciée comme «une démarche d’enseignement qui consiste à varier les méthodes pour tenir compte de l’hétérogénéité des classes ainsi que de la diversité des modes et des besoins d’apprentissage des élèves» (3).  Ce même décret exprime également la finalité d’assurer la réussite de chacun par la maîtrise des compétences des Socles. Ces socles communs atteints, il n’est bien entendu pas interdit d’aller plus loin et d’approfondir certaines choses. Le décret met donc en avant l’importance des démarches didactiques adaptées (cheminements différents selon les élèves), rappelle l’obligation de moyens (diversifier les méthodes) mais également l’obligation de résultats (Socles de compétences).

Les types de différenciation

Comme je me posais de sérieuses questions et que j’avais envie de différencier, ma direction m’a suggéré de lire “Quand revient septembre” de Jacqueline Caron (1994). Pour une fois, je découvris des ouvrages clairs, simples et concrets! Elle cite les types de différenciation que l’on peut mener en classe. J’en cite 4 qui me semblent pertinents ici (4).

La différenciation intuitive est celle que l’on pratique sans en prendre conscience, comme réduire la longueur de l’écriture d’un texte ou la complexité d’une tâche, proposer aux élèves de travailler sur une manipulation pour les aider ou encore proposer un autre sujet. Donc oui, vous différencier au quotidien et sans vous en rendre compte!

La différenciation planifiée permet de répondre aux difficultés des élèves à la suite d’un diagnostic réalisé. L’enseignant va donc préparer sa séquence en amont et ainsi proposer des stratégies différentes en tenant compte des différences des élèves.  J’aime proposer à mes élèves des “relances” afin de terminer une activité proposée.

Dans la différenciation successive, les élèves travaillent autour d’un même objectif mais en alternant les méthodes et les outils utilisés. Chaque élève peut donc bénéficier de l’une ou l’autre démarche. Dans ma classe, c’est le temps de la découverte.

C’est la différenciation simultanée qui m’intéressera bien évidemment dans le dispositif des ceintures, puisqu’elle permet que chaque élève travaille à une tâche différente correspondant, à l’intérieur de son parcours, à ses besoins et à ses possibilités. Il est donc nécessaire d’établir avec les élèves un plan de travail, des tableaux de programmation, un suivi régulier…

 Que différencier?

Toujours selon Jacqueline Caron (2003), on peut différencier les contenus, les processus (ou les moyens), les productions et les structures. (5)

  •  La différenciation des contenus

Le contenu, c’est le matériau brut des programmes d’études, ce que les élèves doivent développer (les compétences), ce qu’ils doivent apprendre (notions), ce qu’ils doivent connaître (faits), ce qu’ils doivent comprendre (concepts et principes) et ce qu’ils doivent savoir faire (habilités).

Quand on différencie les contenus, on oublie très vite que l’objectif de la différenciation en pédagogie, c’est d’amener tous les enfants aux mêmes savoirs minimums pour la réussite de tous. (Stordeur, 2016, p223) (6)

  • La différenciation des processus

Différencier le processus, c’est varier les façons dont va se faire l’apprentissage des élèves. C’est donc mettre en œuvre un cadre à la fois souple et organisé pour que les élèves s’approprient le contenu et y donnent du sens selon leurs propres itinéraires de construction de savoirs ou de savoir-faire.

Quand on différencie les moyens, c’est souvent, pour ne pas dire presque toujours, en vue d’amener chacun à produire ce qu’on attend de tous. Mais en apportant les moyens de produire, on empêche souvent ceux qui auraient le plus besoin de vraiment travailler la compétence vidée au niveau utile pour eux. (Stordeur, 2016, p223) (6)

  • La différenciation des productions

Différencier les productions, les réalisations, c’est offrir aux élèves la possibilité de démontrer ce qu’ils ont appris. Ici, le regard au pluriel que l’on accepterait de poser sur les outils d’expression offerts aux élèves rejoindrait grandement la théorie des intelligences multiples.

  • La différenciation des structures

On peut différencier les structures : il s’agit d’un dispositif nécessaire, mais non suffisant, à la différenciation. Elle commence dès que la classe hétérogène éclate afin de donner naissance au décloisonnement et à des groupes d’élèves répartis selon des critères définis par les professionnels, qui ont pris soin d’évaluer et de réguler auparavant.

J’ai réalisé une carte mentale d’après mes lectures des ouvrages de Jacqueline Caron.

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 Mais finalement, est-ce possible de différencier au quotidien?

Quelques années plus tard et après de nombreuses autres lectures, je me rends compte que la différenciation est concrètement difficile à mettre en place au quotidien, quand on parle de différenciation planifiée, car elle ne peut répondre de manière effective à l’ensemble des élèves et parce qu’elle est énergivore dans la préparation des séquences par l’enseignant. De plus, elle contribue à accentuer les différences de niveaux.

Une piste de recherche serait de prendre parti qu’il ne faut pas réduire les différences afin de viser l’hétérogénéité d’une classe mais s’employer à les favoriser parmi les élèves. Une piste d’action est alors la mise en place de la personnalisation des apprentissages que j’aborde dans cet article.

(1) Burns, R. (1971). Methods for individualizing instruction. Educational Technology, 11, p.55-56.

(2) Perrenoud, P. (1995). La pédagogie à l’école des différences. Paris: ESF.

(3) Décret Missions: décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’Enseignement Fondamental et de l’Enseignement Secondaire et organisant les structures propres à les atteindre. Moniteur belge, 23 juillet 1997, p.24653

(4) Caron, J. (1994 – 1997). Quand revient septembre, volumes 1 et 2. Montréal: Les Editions de la Chenelière

(5) Caron, J. (2003). Apprivoiser les différences. Montréal: Les Editions de la Chenelière

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